Résumé : Rio de Janeiro, 1950. Euridice, 18 ans, et Guida, 20 ans, sont deux soeurs inséparables. Elles vivent chez leurs parents et rêvent, l’une d’une carrière de pianiste, l’autre du grand amour. A cause de leur père, les deux soeurs vont devoir construire leurs vies l’une sans l’autre. Séparées, elles prendront en main leur destin, sans jamais renoncer à se retrouver.
Synopsis
"La Vie invisible d'Eurídice Gusmão" : la grande fresque féministe de Karim Aïnouz
Rio de Janeiro, 1950. Euridice, 18 ans, et Guida, 20 ans, sont deux soeurs inséparables. Elles vivent chez leurs parents et rêvent, l’une d’une carrière de pianiste, l’autre du grand amour. A cause de leur père, les deux soeurs vont devoir construire leurs vies l’une sans l’autre. Séparées, elles prendront en main leur destin, sans jamais renoncer à se retrouver.
Sur un fil tendu quelque part entre Almodovar et Wong Kar-wai, ces demoiselles de Rio déploient le récit d’une vie de résilience et de larmes sur fond d’émancipation. Un mélo brésilien stylisé et feutré que le Festival de Cannes a récompensé du prix Un certain regard.
"Le Brésil est le pays qui tue le plus de femmes au monde." Au dernier Festival de Cannes, Karim Aïnouz faisait ce constat terrible en préambule de la projection de son nouveau long métrage au titre énigmatique, La Vie invisible d'Eurídice Gusmão, récompensé quelques jours plus tard par le prix Un certain regard. "J'étais venu à Cannes en 2002 pour mon premier film, Madame Satã, rappelle le réalisateur. Sa présentation en sélection officielle s'était déroulée dans des circonstances identiques : un lundi à 19 heures! Un bon présage." Il s'exprime dans un français parfait, hérité de son père algérien. "Par contre, je ne parle pas un mot d'arabe : ma langue natale est le portugais! Mon père a fui le FLN au début des années 1960 pour s'installer aux États-Unis, où il a rencontré ma mère brésilienne. Ils se sont séparés quand j'étais tout petit."
Karim Aïnouz adapte le roman de Martha Batalha Les Mille Talents d'Eurídice Gusmão et retrace le destin contrarié de deux sœurs, Eurídice et Guida, dans la banlieue de Rio de Janeiro au début des années 1950. Guida tombe amoureuse d'un Européen qui lui demande de le suivre sur le Vieux Continent. La jeune fille accepte et quitte brusquement la maison familiale. Quelques années plus tard, Eurídice, mariée, habite désormais en ville. Guida débarque à l'improviste chez ses parents, enceinte. Son père la renie et la met à la porte. Pis, il ne dit pas à Eurídice, morte d'inquiétude de ne pas avoir de nouvelles de sa sœur, que cette dernière a refait surface…
Des personnages rongés par le chagrin
Coup de cœur pour ce mélodrame déchirant qui évoque la condition de la femme, le temps qui passe et les rendez-vous manqués. Mettant en scène une relation épistolaire dont les destinataires ne reçoivent jamais les lettres qui leur sont adressées, l'histoire prend à la gorge et gagne en intensité à mesure que les ellipses temporelles se multiplient. Les décennies défilent et on constate les ravages de l'absence sur les personnages rongés par le chagrin.
"Toutes les onze minutes, un crime est commis contre une femme au Brésil, affirme Karim Aïnouz. J'ai été élevé par ma mère, ma tante et ma grand-mère. Cette dernière, née en 1905, est devenue couturière à domicile pour subvenir aux besoins de ses deux filles quand son mari l'a abandonnée. Les choses n'ont pas du tout évolué jusqu'aux années 1970 : 10 % des Brésiliennes gagnaient leur vie à l'extérieur et 90 % au sein du foyer." Le réalisateur explique qu'elles ont acquis leur liberté et leur indépendance progressivement. "Mais elles ne pouvaient compter que sur elles-mêmes. Elles se sont battues pour leurs droits et ont accompli des progrès en ce qui concerne le travail, le vote, le divorce et l'avortement." Selon lui, le mouvement MeToo n'a eu aucun impact dans son pays, "qui a normalisé la violence des hommes contre les femmes".
La situation s'aggrave depuis l'arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir. "Il a déclaré publiquement : “J'ai quatre fils et un faux pas”, en faisant allusion à sa fille. Il a aussi lancé à une députée qu'elle était trop moche pour être violée ! La place de ce fasciste, de ce milicien qui incite à la haine, est en prison."