Quelques mots sur les compositeurs les moins connus :GLUCK, GOSSEC, BOCCHERINI,
CIMAROSA
GLUCK : compositeur allemand d'opéra de la période classique.
BOCCHERINI : compositeur et violoncelliste italien est l'un des premiers représentants de l'école italienne de violoncelle à joindre l'expressivité à la virtuosité instrumentale.
GOSSEC : compositeur français. A partir de six ans il chante dans des choeurs d'église puis
en 1742 il est choriste à la cathédrale N.D. D'Anvers. En 1762 il est directeur de théâtre privé
du Prince de Condé à Chantilly, ville de mon origine.
La naissance du classicisme en musique : les Préclassiques.
Il convient de remarquer, avant d’aller plus loin, que le terme « classicisme » en musique n’a que
peu de lien avec son emploi dans les autres formes d’art et en littérature particulièrement.
Il est frappant de remarquer que les tragédies de RACINE sont considérées comme le modèle
du théâtre classique français, mais ne sont absolument pas contemporaines de MOZART ou
de GLUCK, encore moins de BEETHOVEN. D’autre part, les limites de la période classique en
musique sont extrêmement floues, ainsi que le résume au XX e siècle Pierre du COLOMBIER :
»Comme d’autres termes généraux et vagues désignant une époque littéraire et artistique,
le mot classicisme défie toute précision ».
L‘évolution de la musique au XVIIIe siècle comme à toute époque s’est ainsi faite à des rythmes
différents selon les compositeurs et les pays. Depuis le XIXe siècle, la période définie comme
classique en France a aussi beaucoup évolué dans le temps. Jean-François PAILLARD situe ainsi
la musique française classique entre 1600 et la mort de RAMEAU (1764)mais la définition
contemporaine se baserait plus sur les compositeurs allemands et autrichiens, renvoyant de façon
très discutable les Français de la seconde moitié du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe
à la dénomination « baroque ».
De fait, on ne peut vraiment parler de période classique de la musique germanique dans le plein
sens du terme qu’entre 1780 et 1800. La période classique survient juste après la période baroque.
Le langage classique
De nos jours, la musique classique est synonyme de rigidité de forme, de symétrie et de répétitions. Pourtant, pour ses contemporains, ce genre nouveau rompait avec l’entrelac des mélodies, fioritures et fugues interminables du contrepoint complexe et baroque. Le nouveau style était alors synonyme de liberté et d’exploration des sentiments humains et même d’exploration tout court : combien de formes musicales et instrumentales sont nées à la charnière des années 1750 et qui survivent encore ?
Ce concept tel que le recouvre les mots « musique classique » dénonce la
profonde incompréhension qui le revêt aujourd’hui. Il convient d’en étudier les différents aspects.
Généralités
Le langage classique se définit par des règles très strictes, une grande rigueur formelle, une
grande simplicité harmonique, et un sens très développé de la mélodie. Le principe de
contraste au sein d’une même pièce est l’élément moteur du langage classique, très
dramatique. En outre, l’ère classique voit la disparition de la basse continue, qui transforme
la musique d’alors. On passe, globalement, de l’utilisation de « figures (prédominantes
à l’ère baroque) à la structuration à partir de phrases musicales ponctuées », et à l’élaboration
de tout ce système de « ponctuation cadences », et, ce faisant, on glisse des procédés
« analogiques » vers des procédés se rattachant à une « logique discursive », proche de
celle de la langue.
Aspect harmonique
Le trait le plus frappant du langage harmonique classique est son économie de moyens.
Alors que la période baroque a vu naître une harmonie riche et complexe, les compositeurs de
la seconde moitié du XVIIIe siècle simplifient progressivement leur palette d’accords et de degrés,
jusqu’à n’utiliser quasiment plus que des accords de septième dominante. Cet appauvrissement
est compensé par une multiplication des emprunts et des modulations locales.
On assiste parallèlement à une raréfaction des marches harmoniques, plus souvent modulantes
et moins longues que dans la musique baroque.
Aspect mélodique
Le relatif appauvrissement du langage harmonique classique s’explique en partie par la
prédominance de la mélodie accompagnée, issue de l’opéra. Le langage contrapuntique, très
horizontal et donc de fait très complexe de compositeurs tels que J.S.BACH laisse la place à
une musique en grande partie faite d’une voix supérieure lyrique accompagnée d’accords
verticaux. De carrure régulière de quatre ou huit mesures dans une large majorité des cas,
la phrase mélodique classique atteint un degré d’achèvement inégalé.
Aspect rythmique.
Contrairement aux romantiques, qui apportent à la musique des nouveautés rythmiques
inédites, les compositeurs classiques n’innovent que très peu en la matière. Pourtant
c’est en grande partie là que se joue l’essentiel de la révolution classique, qui recherche
les contrastes rythmiques, les cassures, les oppositions. Cette différence d’approche est
résumée par Charles ROSEN :
« Tous les menuets de BACH se déroulent sans heurt, de façon presque uniforme : flux régulier
qui, chez HAYDN, se transforme en une série d’éléments articulés – d’éléments dramatiques qui,
parfois, vont même jusqu’à surprendre ».
L’aspect formel et la forme de la sonate.
C’est en fait en ce point précis de la construction de la forme que se situe un des aspects
les plus intéressants de la musique classique et dramatique. La forme sonate, inventée,
puis universalisée à l’époque classique, illustre parfaitement le propos. Dans la forme sonate,
le musicien oppose deux thèmes(cellules mélodiques, rythmiques, et, durant le morceau,
surtout deux tonalités qui contrastent fortement. Elle s’articule comme suit :
- l’exposition et la présentation de chacun des thèmes dans leur tonalité respective.
- le développement exploite cette tension et la mène à son paroxysme (climax) sommet
- la réexposition ressemble en tous points à l’exposition à ceci près que la seconde partie
- n’est plus dans le ton original, mais dans celui de la première partie;
- la coda conclut, dans le ton original, comme il se doit.
On se rend compte, en comparant avec la diversité et la liberté formelle qui caractérisait
les œuvres baroques, à quel point les deux courants sont opposés dans la nature de leurs
conceptions. La forme sonate est représentative de l’époque classique.
Tout comme la charnière entre baroque et classicisme, celle qui sépare l’ère classique de l’ère
romantique est on ne peut plus mal délimitée. Ainsi, lorsque E.T.A. HOFFMANN, au début du
XIXe siècle, déclare que les symphonies de MOZART expriment à un très haut point le romantisme
en musique, on ne peut que s’interroger sur la pertinence d’une frontière précise entre
les deux courants.
Je souhaiterais m’arrêter un peu plus longtemps sur ce puissant personnage qu’est
Ludvig von BEETHOVEN. Ses œuvres les plus connues sont les trente deux sonates
pour piano – un monument – et les neuf symphonies dont la célèbre neuvième est
devenue L’Hymne à la Joie et Hymne européen.
Outre cinq concertos, dont le cinquième dit « L’Empereur », parce que, lors du concert
inaugural, l’œuvre démarrant lentement sur un roulement de timbales, dit-on, un
spectateur se serait levé en criant : « L’Empereur ! ».
BEETHOVEN a écrit moultes trios et quatuors à cordes d’une singulière personnalité.Les quatuors
à cordes sont particulièrement austères, mais représentent la quintessence musicale par définition.
Chacun sait que BEETHOVEN composa sa cinquième symphonie surnommée « Le Destin » alors
qu’il était complètement sourd et que cela le perturbait notablement dans la direction d'orchestre.
Dans les œuvres pour piano, plusieurs sonates ont reçu des noms : La Pathétique, l’Appassionata,
la Tempête, noms qui n’ont pas été donnés par le compositeur lui-même, mais par l’éditeur.
Génie charnière entre le Classique et le Romantisme, Beethoven suscitera l'admiration d'un autre
génie, qui ne le rencontrera que de trop rares fois à la fin de sa vie, et qui, grâce aux fonds
récoltés par ses amis, repose aujourd'hui dans le même cimetière que lui, à Vienne ;
il s'agit de Franz Schubert.
Il écrivait sans piano(n'en ayant pas possédé pendant longtemps) d'un seul trait, sans râtures, aussi vite que pouvait aller une plume. Ayant manqué, dit-on ; de l'éducation adéquate à son génie 'qui aurait pu enseigner à pareil élève, joignant à des dons exceptionnels une pratique assidue de la musique vivante . Si MOZART avait vécu !...).Il avait peu le sens de l'organisation dans la composition des œuvres de grande dimension ; il ne savait pas se reculer pour prendre une vue d'ensemble de l'oeuvre. Il vivait dans le présent exclusivement, dans l'émotion extra-temporelle.
La plupart de ses amis d'ailleurs estimaient qu'il n'était pas apte à gérer seul son budget, pêchant par excès de générosité dès qu'il avait un peu d'argent, et qu'il aurait fallu le mettre sous tutelle ; le génie n'est semble-t'il pas toujours le meilleur atout pour les questions du quotidien ! On sait que Baudelaire lui-même fut placé un temps sous tutelle judiciaire par sa famille. Autre anecdote purement prosaïque quant à Schubert; il avait la particularité de dormir avec ses lunettes !
Pour revenir à des considérations plus artistiques, l'un des charmes particuliers de ses lieder provient de ce que SCHUBERT ne fait pas de mot à mot avec les poèmes. Que ceux-ci soient excellents(GOETHE, SCHOBER,HEINE)ou plus modestes (MOYROHOFER,SCHOBER,MULLER) c'est le sentiment poétique général que régit l'inspiration musicale : celle-ci est pure de toute compromission intellectuelle.
Le plus illustre probablement parmi les romantiques est sans conteste, Frédéric Chopin ; je vais vous en dire quelques mots.
Sa vie, de la légende à la vérité
Nul ne s'étonnera que la légende ait fait de cette destinée une sorte d'archétype. De tous les météores qui ont traversé le ciel du romantisme, Chopin est peut-être celui dont la vie s'inscrit le mieux dans cette trajectoire idéale. La genèse et la mort, la soudaineté d'une aventure célèbre vécue dans la poignante mélancolie d'un hiver à Majorque puis dans une belle demeure du Berry, avec, comme toile de fond, les malheurs de la Pologne -dont Chopin a été le héros, du moins le symbole- toute l'époque revit dans cette existence, et il n'y manque ni les lueurs de l'insurrection, ni les spectres, ni même, pour finir, cette apothéose funèbre et ce long cortège à travers Paris.
La légende a pris trop de place: danger de ces biographies romanesques où les oeuvres semblent naître d'une suite d'incitations pathétiques. On marquera d'abord les limites de ces épiphanies qui font de Chopin tantôt le virtuose attitré des salons de la monarchie de Juillet, tantôt une sorte de Sylphe éploré, cultivant la "note bleue", pour quelques intimes, "l'ariel du piano"... "le Roi du jeu de l'âme", tantôt un exilé déchiré par le souvenir de sa patrie. Ses contemporains ont souvent desservi sa m mémoire en soulignant sa délicatesse, sa fragilité "divin aristocrate"... "archange féminin aux ailes prismatiques" et en ignorant le caractère profondément dynamique de son lyrisme, la véritable originalité de son génie.
Le secret de Chopin est peut-être tout entier dans cette lumineuse transcendance. Le message de cette voie unique trouve ses véritables échos dans le moi profond du poète. Comme Mozart, rien ne l'exprime, que la musique.
Pourtant, sa sincérité est le prix d'un déchirement, ou plutôt d'une tension -souvent dramatique- qu'il la située au confluent de deux races et qui, dans chaque trait de son caractère, dans chacune de ses oeuvres, fait apparaître la profonde qualité de sa nature et de ses origines.
Cette dualité, il la doit en premier à sa naissance. Il ne s'en avisera qu'assez tard. "Je suis un vrai mazovien" proclame-t'il avec fierté. Mais Marie Wodzinska: "Nous ne cessons de regretter que vous ne vous appeliez pas Chopinski, ou qu'il n'y ait pas d'autres marques que vous êtes polonais, car, de cette manière, les français ne pourraient nous disputer la gloire d'être de vos compatriotes." Cette complication initiale a peut-être eu des origines assez lointaines: le coup de dé qui attribua à Stanislas Leczinscki, beau-père de Louis XV, les duchés de Lorraine et de Bar en échange de son royaume de Pologne et les 28 années pendant lesquelles le duc bienfaisant devint pour l'Europe le modèle des
monarques éclairés par les souvenirs laissés par ce puissant philantrope, un jeune lorrain eût-il éprouvé, à la veille de la Révolution, le brusque désir d'aller en Pologne !
Un fait est certain: Nicolas Chopin, fils d'un charron, petit-fils d'un vigneron, est bien né le
15 a vril 1771 à Marainville (et non à Nancy, comme il a toujours été indiqué) village situé au pied de la montagne de Sion dont le siècle suivant fera, avec Barrès, un des hauts lieux du mysticisme et du nationalisme français. La maison subsiste toujours.
A huit ans, Frédéric exécute en public un concerto de Gyrowetz et on publie une Polonaise signée de son nom. "Un vrai génie du point de vue musical" constate la revue de Varsovie. "S'il était né en Allemagne ou en France, sans doute serait-il déjà célèbre dans tous les pays du monde".
Pendant trois ans, de 1823 à 1826, il endosse l'uniforme de lycéen. C'est le meilleur moment de son enfance. Il montre une telle passion pour les charades et les comédies improvisées qu'on croit dicerner là le signe d'une vocation d'acteur. En fait, tout l'attire: l'Histoire (surtout celle de la Pologne), la Littérature, le Théâtre.
En 1823, Frédéric, qualifié de "premier pianiste de la ville" joue devant le tzar de l'éolomélodikon, instrument qui tient du piano et de l'harmonium.
Le premier rondo en ut mineur, qui sera l'opus 1, est publié au cours de cette même année.
Soit une période de formation à l'harmonie et au contrepoint.
Une maxime de Barbey d'Aurevilly peut servir de légende au portrait psychologique de Chopin: "tout est si beau quand on se retourne et surtout quand on sait qu'on ne reviendra jamais". Cette phrase évoque la nostalgie inhérente à l'éloignement et laisse deviner les illusions tenaces d'un exilé. Adopté, choyé par Paris où il vivra les 18 dernières années de son existence, Chopin adoptera les coutumes de la capitale, il parlera, écrira notre langue avec facilité, mais il restera farouchement polonais de coeur.
Après une longue période passée à Londres, Chopin mourut le 17 octobre 1849 à 2 heures du matin.
Je vais à présent vous parler de ce musicien tourmenté mais non moins talentueux que fut Robert Schumann, avec qui je clôturerai mon propos.
Fils d'August SCHUMANN(1773-1826) et de Johanna Christiana SCHNABEL(probablement lointaine arrière grand mère du fabricant actuel de piano)(1771-1836) mariés en 1795. Son père, fils de pasteur était libraire, éditeur et auteur ; vers 1820, il fut atteint de troubles mentaux. Sa mère, fille de chirurgien,était intelligente, hypersensible, mais dénuée d'imagination.
Il commence l'étude du piano à l'école, sans dispositions exceptionnelles. Mais en 1819, un concert de MOSCHELES et une représentation de la Flûte enchantée décident de sa vocation. Au Lyceum de Zwicken, il participe aux concerts d'élèves comme pianiste et comme compositeur. A treize ans, il écrit de courts articles pour une publication de son père, puis il compose des poèmes et une pièce de théâtre. Il lit énormément dans la librairie paternelle cependant que la découverte de SCHUBERT lui inspire ses premiers lieder. Après un brillant examen de fin d'études (1828) il est envoyé à l'université de Leipzig pour y étudier le droit. Mais il néglige ses études par la musique et la littérature ;Un an plus tard, il quitte l'université de Leipzig pour celle de Heidelberg, où il travaille énormément son piano et néglige complètement le droit ; il se produira même en public avec grand succès.
Ayant arraché le consentement de sa mère, il abandonne l'université en 1830, s'installe chez WICK à Leipzig et se met sérieusement au travail pour devenir un virtuose. Mais son maître lui semblant trop absorbé par la carrière de sa fille Clara, il entreprend des études théoriques avec le chef d'orchestre du théâtre ; il les poursuit pendant un an et complète seul sa formation de compositeur, en étudiant BACH. Après avoir abandonné WIECK ,il continue seul également, l'étude du piano dans la perspective d'une carrière de virtuose, mais en essayant de fortifier le quatrième doigt de la main droite avec un appareil de son invention, il provoque une demi-paralysie : il consacre désormais toute son activité à la critique musicale (en 1834 il fonde avec WIECK et quelques amis la Neue Zeitschrige Musik qu'il dirigea pendant dix ans). En 1835, il se lie d'amitié avec MENDELSOHN qui vient de s'établir à Leipzig. La même année, il déclare son amour pour Clara, devenue une ravissante jeune fille de seize ans et une remarquable pianiste.Celle-ci ayant répondu favorablement aux sentiments de SCHUMANN, WIECK interdit aux jeunes gens de se voir et s'oppose à leur mariage avec une violence
extrême. Pendant cinq années de lutte et de séparation constantes,leur amour ne faiblit pas, ,malgré l'hostilité de WIECK qui multipliait les tournées avec sa fille, se répandait en propos diffamatoires sur SCHUMANN et feignait de subordonner son accord à des conditions financières fantastiques.
SCHUMANN introduisit une action judiciaire pénible à l'issue de laquelle il eut gain de cause : le mariage eut lieu en septembre 1840. Cette période tourmentée fut de loin la plus productive de sa carrière de compositeur. Robert et Clara formèrent un couple modèle et ils firent de nombreuses tournées ensemble, notamment en Russie. En 1843, SCHUMANN est engagé comme professeur de piano et de composition au nouveau conservatoire de Leipzig, fondé par MENDELSOHN. Très mauvais pédagogue, il abandonne son poste au bout d'un an et part pour Dresde où il est atteint d'une grave crise de dépression nerveuse. En 1850, il participe à la fondation de la Bach Gesellschaft et accepte un poste de directeur des concerts à Düsseldorf. Déplorable chef d'orchestre, il ne réussit pas à s'imposer et souffre de troubles nerveux et psychiques de plus en plus graves:aphasie, ataxie, troubles auditifs, étourdissements. En 1854, le couple fait la connaissance du jeune BRAHMS auquel SCHUMANN consacre un article dithyrambique. Un matin de 1854, il interrompt brutalement son travail et va se jeter dans le Rhin. Sauvé par des pêcheurs, il est admis dans l'asile d'aliénés du Dr RICHARZ, près de Bonn. Une amélioration sensible lui permet de correspondre avec Clara, ainsi qu'avec BRAHMS et JOACHIM. Il reçoit même des visite de deux amis, mais Clara n'est autorisée à le voir qu'en juillet 1856 (après plus de deux ans d'hospitalisation). Il est alors occupé à dresser des listes alphabétiques de villes mais ne réussit pas à articuler des paroles intelligibles. Le 28 Juillet, BRAHMS et Clara ne le quittent pas.Il meurt dans l'après-midi du 29;il n'a que quarante six ans.Son père souffrait de troubles nerveux, sa mère était hyper sensible, une de ses sœurs (invalide physique et mentale) s'était suicidée en 1826.D'autres facteurs cependant, s'ajoutant à l'hérédité, provoquèrent la tragédie qui compromit sa carrière et mit fin à ses jours. Ce fut d'abord l'incertitude sur sa vocation (juriste ? Pianiste ? Compositeur ? Poète?critique?éditeur?)qui fit de cet égocentrique taciturne et indécis, doutant de lui-même, entreprenant vingt choses à la fois, les abandonnant, les reprenant. L'accident au doigt et la longue lutte pour l'amour de Clara furent des stimulants salutaires, correspondant à la période d'intense activité créatrice1832-1840(cent trente lieder en 1840 dont les chefs d'oeuvres sur laquelle sa gloire se fonde essentiellement.
. Après son mariage, une sorte de complexe d'infériorité vis-à-vis de Clara accentua sa mélancolie.
Pianiste raté, mauvais chef d'orchestre, marié à l'une des plus prestigieuses virtuoses de l'époque, il avait le sentiment d'être l'ombre de sa femme,dans les nombreuses tournées qu'ils entreprenaient ensemble (ce sentiment avait pris sa source dans dans l'attitude méprisante de WIECK, depuis l'époque où celui-ci s'intéressait davantage à sa petite fille prodige qu'à son élève). La culture littéraire de SCHUMANN, son extrême sensibilité, et dans une certaine mesure, sa maladie ont fait de lui le typique musicien « romantique ».
Pas facile, si ce n’est que les poètes renommés souhaitent profondément que leur langage soit musical.
« De la musique avant toute chose » écrivait VERLAINE.
RIMBAUD, lui, voulait s’acheter un piano, mais avec RIMBAUD on est déjà dans le Symbolisme, et,
à ma connaissance, en musique il n’y a pas eu de période symbolique.
Pour clore cette conférence, lecture vous est donnée du poème de Verlaine. (Art Poétique):
- Paul VERLAINE (1844-1896)
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions éventuelles.
Je vous remercie de votre écoute et vous souhaite une bonne nuit romantique.
Texte intégral de la conférence donnée par André Melly le 22 mai 2015
Illustrations : André Melly et Roberte Nourrigat
Mise en ligne : Roberte Nourrigat